lundi 1 juillet 2013

Seuils



Certaines nuits appartiennent aux fous.
Il ne faut pas les déranger mais les laisser entrer, agir comme ils veulent, dire oui. Celle-là ce soir, si petite sous ses cheveux blancs.  Ses yeux recouverts de cataracte regardent par dessus ses lunettes et ce regard fait peur. Je sens qu’elle pourrait se lever à tout moment pour me planter sa fourchette dans le dos. Mais elle ne le fait pas. Elle se contente de parler toute seule. Parfois elle attend une réponse Vous connaissez la Russie ? me demande-t-elle, oui je réponds, ah bon ? Et comment ça se fait ? Elle se méfie de moi, croit que je raconte des histoires puis tout d’un coup éclate de rire. Elle fait tomber ses couverts.

Je vois ton âme me dit un autre.

Elle dit je n’ai rien fait pour qu’ils tombent pourtant. Elle me suit du regard, m’épie.
Elle repart en titubant en disant je reviens tout de suite. Je ne l’ai jamais revu, elle a du tourner dans la mauvaise rue, comme d’autres fous avant elle.

Je me promène et je dis de la poésie aux gens, c’est pour leur dire que je les aime. Tu comprends ça toi, hein ? Alors je dis oui bien sur. C’est la nuit des fous. Je n’ai ni père, ni mère, ni frère, ni sœur me dit-il. Mais là il se passe quelque chose que je ne comprends pas, j’en perds le verbe.


C’est ta folie que je cherche
C’est une folie discrète
Presque invisible

Je la sens pourtant