Certaines
nuits appartiennent aux fous.
Il
ne faut pas les déranger mais les laisser entrer, agir comme ils veulent, dire
oui. Celle-là ce soir, si petite sous ses cheveux blancs. Ses yeux recouverts de cataracte regardent
par dessus ses lunettes et ce regard fait peur. Je sens qu’elle pourrait se
lever à tout moment pour me planter sa fourchette dans le dos. Mais elle ne le
fait pas. Elle se contente de parler toute seule. Parfois elle attend une
réponse Vous connaissez la Russie ?
me demande-t-elle, oui je réponds, ah bon ? Et comment ça se fait ?
Elle se méfie de moi, croit que je raconte des histoires puis tout d’un coup
éclate de rire. Elle fait tomber ses couverts.
Je
vois ton âme me dit un autre.
Elle
dit je n’ai rien fait pour qu’ils tombent pourtant. Elle me suit du regard,
m’épie.
Elle
repart en titubant en disant je reviens tout de suite. Je ne l’ai jamais revu,
elle a du tourner dans la mauvaise rue, comme d’autres fous avant elle.
Je me promène et je dis de la poésie aux
gens, c’est pour leur dire que je les aime. Tu comprends ça toi, hein ?
Alors je dis oui bien sur. C’est la nuit des fous. Je n’ai ni père, ni mère, ni frère, ni sœur me dit-il. Mais là il se passe quelque chose que je ne
comprends pas, j’en perds le verbe.
C’est ta folie que je cherche
C’est une folie discrète
Presque invisible
Je la sens pourtant