mercredi 7 décembre 2011

A travers l'oubli

 
La chaleur humide coule le long des corps
le cri du plaisir trop violent
te revient
de ce temps perdu
où tu voulais dévorer le monde
de tes mâchoires bleues

As-tu oublié l'étrange enfant qui voulait retrouver celui qu'elle aimait, perdu dans un autre temps ?
Elle disait oui, attends, non, pas comme ça. Avait l'impression parfois de le retrouver, faisait des connections, les mauvaises, celles qui provoquaient des explosions. Voulait partir, sans y parvenir, prisonnière qu'elle était de ce monde, de toi. Souvent elle croyait le revoir, mirage, tendait la main vers lui sans jamais le toucher. Tu la savais à la recherche de cet autre, mais tu tenais trop à elle pour la laisser partir. Accroché à son corps laiteux, tu n'aurais pour rien au monde desserré ton étreinte. Tu savais ton monde trop dangereux pour qu'elle s'aventurasse dehors seule, sans toi, tu croyais pouvoir la rassurer, toujours. Ton monde de voitures brûlées, de sous-sol, de souterrains, d'usines ; ton monde de corps refaits, de travestis malades, d'air vicié. Mais elle a fini par disparaître, par prendre le chemin de terre qui remontait vers la forêt, a trouvé la montagne pour partir. Elle t'a rendu tes mains d'ocre et d'acier, si douces pourtant, pour aller retrouver celui qui n'existait probablement pas. Elle t'a laissé dans la solitude des jours de deuil.
Tu l'as revu plus tard, sur un bateau. Où alliez-vous ? Personne n'en a gardé le souvenir. Tu te rappelles seulement l'avoir aperçue, de lui avoir parlé, et tout semblait déjà redevenir comme avant. Mais le bateau avançait trop vite et à l'arrivée elle avait déjà disparu. A force de suivre sa trace, tu as oublié le reste. Tu n'es plus jamais revenu dans ton monde d'antan, et tu as passé ta vie à voyager, voulant la retrouver.
Petit morceau d'errance, tu l'as laissé partir comme on laisse filer entre ses doigts sa propre destinée. Ta vie tournée vers le passé l'a fait plus belle qu'elle n'était. Tu ne te souviens même plus précisément de son visage mais tu cours encore vers elle, en vain. Tu l'appelles la nuit, veux la serrer contre toi mais tu te réveilles brusquement au contact du vide, te butant à son absence.

Tu devra oublier le temps du rêve
afin de vivre encore
tu devra oublier celle qui n'est plus
afin de regarder ce temps qui est le tien




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